Pouvoir, Responsabilité et Zone d’ombre. Article paru le 4 février 2007 – réédité le 28 mai 2009

Ce qui me semble être une des premières causes du désordre ambiant dans notre pays, c’est la perte des repères en termes de pouvoir et de responsabilité. Pas seulement des repères visibles aux yeux du public, mais surtout des principes fondamentaux qui constituent et régissent ces notions sans lesquels une société ne peut se construire ou se développer de façon cohérente et harmonieuse. Toutes les relations inter personnelles, les relations humaines reposent sur ces fondamentaux. Les négliger revient à créer du désordre, de l’incompréhension, de la perte de confiance voir de l’animosité.
Mon propos ici est donc, dans un premier temps de rappeler ces fondamentaux, dans un deuxième temps de montrer comment s’articulent leur fonctionnement et dysfonctionnement dans la vie quotidienne, privée et publique.

I – La responsabilité :

Si, par curiosité, vous posez ainsi la question à quelqu’un: «Tu sais ce que c’est, toi, la responsabilité ? » Et si la personne répond oui alors vous répondez : « Expliques ! ».Généralement, la réponse est bien confuse. De fait, il est facile de dire « je suis responsable de » lorsque tout va bien. En revanche, lorsque tout va mal, là, le responsable a du mal a fait un pas en avant pour dire « je suis le responsable » ou « je suis en charge de… ».
La réalité de la responsabilité est celle-ci, cruelle : le responsable, c’est celui que l’on vient voir lorsque ça va mal. De fait, si je fais un chèque sans provision, c’est bien moi que l’on viendra trouver, pas mon voisin… Cela signifie que le responsable est celui qui est en charge, celui qui devra rendre des comptes en cas de pépin.
Exemple : Mon frère me confie son enfant pendant qu’il va faire trois courses. Pour une raison X, je relâche ma surveillance et mon neveu se noie dans la piscine. Je suis responsable. J’étais en charge de cet enfant et j’ai failli, c’est clair. Qui viendra t on trouver pour rendre des comptes, c’est bien moi.
J’en vois d’ici qui rigolent et se disent : c’est quoi ce con qui enfonce des portes ouvertes ? je me marre, attendez la suite… Parce que si les choses étaient si simples, le désordre ambiant ne serait pas….
De fait, si mon frère et la justice viennent me demander de rendre des comptes, ma réponse sera simple : Attendez ! Ma piscine est aux normes, il y a une barrière. De plus, sachant que mon neveu de 7 ans ne savait pas nager, il lui était interdit d’approcher de la piscine, chacun peut en témoigner. Il n’a pas obéi à l’injonction formelle, à cette interdiction. Dans ce cas, suis-je responsable ? Il est clair que j’ai failli à mon devoir de surveillance. Clair aussi que c’est bien moi que l’on va mettre en cause. Mais suis-je responsable de cet accident ?
Pour aussi choquant que cela soit, EN AUCUN CAS. Et c’est là tout le problème…
En effet, si la responsabilité première « désigne » celui ou celle qui doit rendre des comptes, elle repose préalablement sur l’idée de pouvoir. Le responsable c’est celui qui a le pouvoir de faire ou de ne pas faire.
Ainsi, dans l’exemple que j’ai cité, si j’avais le pouvoir de surveiller cet enfant, pouvoir défaillant, l’enfant, lui, avait aussi un pouvoir : celui d’obéir ou non à l’interdiction qui lui était faite. Son choix a été de ne pas obéir, il a alors pris une liberté qui lui a coûté la vie. Pourquoi alors ne suis-je pas responsable de cet accident ?
Parce qu’en choisissant de désobéir, l’enfant A PRIS LE POUVOIR, créant une responsabilité seconde, cachée, mais qui me dépossède du même coup et de ma responsabilité et de mon autorité. Voilà une notion tellement complexe que même nos Magistrats en arrivent à se planter dans l’approche de leurs dossiers. Tout cela va s’éclairer dans la suite du propos.

II – Le Pouvoir :

Le pouvoir est une notion complexe, mais dont les contours peuvent être définis par les caractéristiques essentielles suivantes :
1. – Caractère binaire
2. – Exclusivité
3. – Transfert
4. – Substitution.

II.1 – Caractère binaire :

Le pouvoir, c’est la capacité à agir, à faire, à dire …Ainsi, l’on peut décider de dire ou ne pas dire, de faire ou ne pas faire, d’agir ou de ne pas agir. Cette décision est représentative du pouvoir. Si je peux décider d’agir alors j’ai ce pouvoir; si je ne dispose pas de la faculté d’agir, alors je n’ai pas le pouvoir d’agir.
En ce sens, le pouvoir est strictement binaire : Il est, ou il n’est pas. Voilà quelque chose qui ne s’explique pas : c’est un état.

II.2 – Son caractère exclusif :

Le pouvoir appartient en propre à l’individu. C’est une réponse adaptée, de l’individu à une circonstance donnée. Si, dans une situation définie, je décide, cela signifie que je détiens le pouvoir de ce choix. Celui-ci est une réponse personnelle, singulière, adaptée. Cette réponse m’appartient en propre. Si j’ai pris une décision, celle d’agir, c’est la mienne, pas celle du voisin. Et c’est bien moi qui agis, pas le voisin. Cela signifie bien que PERSONNE ne peut revendiquer cette décision à ma place, que personne ne peut me déposséder de mes actes.
Ce qui est vrai pour moi est vrai pour l’autre : si l’autre décide, s’il exerce son pouvoir, c’est son choix, sa décision, et personne ne peut se substituer à sa propre décision. Dans l’exemple de l’enfant cité plus haut, sa décision est de transgresser l’injonction. C’est SA responsabilité. Le pouvoir ne se partage pas.

II.3 – Caractère transférable

Si le pouvoir ne se partage pas, il est en revanche transférable. De deux manières :
– Délégation avec pouvoir de décision, – Délégation sans pouvoir de décision,

– Délégation avec pouvoir de décision :
Il s’agit d’un transfert total de la responsabilité, dans lequel une personne investie, « en charge de », propose ou demande à l’autre de se substituer, purement et simplement à sa charge. Il va de soi que ce transfert implique une acceptation totale de la responsabilité.
C’est le cas dans l’exemple plus haut : lorsque mon frère me confie son fils, il transfère purement et simplement son autorité paternelle sur mes épaules. En charge de cet enfant, j’ai donc tous pouvoirs pour mener cette mission à bien. Si je sais que c’est un enfant difficile, rebelle, désobéissant, j’ai toute latitude pour décider de le ficeler si nécessaire pour empêcher qu’il s’approche de la piscine. Quitte à devoir m’en expliquer par la suite avec mon frère.
C’est aussi le cas d’un grand nombre de fonctionnaires ayant autorité, transmise de leur Ministre de tutelle, pour décider de l’application de la Loi, par exemple.

– Délégation sans pouvoir de décision
Ici, la personne ne permet pas à celui qui reçoit la délégation de décider. C’est un acteur qui a zéro latitude dans l’exécution de sa mission. Celle-ci sera effectuée telle que cela lui a été demandé. C’est, par exemple le cas du comptable d’entreprise qui remplit les chèques mais ne les signe pas.
Mais là aussi se posent des points d’interrogation auxquels il faudra répondre plus avant : L’exécutant a-t-il la liberté d’exécuter ou non sa mission ? Cette question conduit en droite ligne à l’idée de substitution.

II.4 – La substitution :

Si le comptable dont il est question décide de son propre chef, par exemple, de ne pas établir un chèque parce qu’il sait celui-ci sans provision, il s’expose à deux possibles réactions de la part de celui qui est en charge de les signer :

Soit celui-ci considèrera cet acte comme une initiative qu’il n’a pas à prendre, dans ce cas le comptable doit s’attendre à subir les foudres de sa hiérarchie. Celle-ci, bafouée dans ses prérogatives de pouvoir peut même sanctionner une telle attitude,
Soit elle considèrera cette initiative comme heureuse, l’occasion de se décharger un peu plus sur ce collaborateur zélé et dira : « Vous avez pris contact avec le bénéficiaire ? Vous lui avez proposé des échéances ? Sinon, faîtes le ! ».
Cette substitution, que l’on peut considérer comme une propension singulière à jouer à la roulette russe avec son emploi, n’est ni plus ni moins qu’une action directe, une ingérence dans le pouvoir et la responsabilité de l’autre.

Les deux réactions montrent de façon évidente une dépossession de la responsabilité, un transfert du pouvoir. Evidence qui ne l’était pas pour l’exemple de l’enfant qui décide de désobéir. Comment cela est-il possible ?

III – La zone d’ombre

C’est le trou noir, l’endroit où naissent les conflits, les affrontements, les crashes, le désordre, bref tous ce qui fait le chaos de notre vie ordinaire.

Distinguons trois types principaux de zone d’ombre :
1. – Le conflit
2. – La collégialité
3. – La dilution de la responsabilité.

III.1 – Le conflit

Le conflit nait sur des champs dont la responsabilité ou l’exercice du pouvoir n’est pas clairement défini. Il peut s’agir d’un champ dont personne ne veut, d’un champ que tout le monde veut, d’un champ temporairement défaillant.

a) – Le champ dont personne ne veut. Par exemple un couple dans lequel chacun attend que l’autre fasse les comptes. Un beau jour un chèque revient impayé, c’est l’engueulade parce que chacun va se défausser sur l’autre de la responsabilité d’un budget non maitrisé.
b) -Le champ que tout le monde veut : euh… un bon exemple : les élections présidentielles…( je me marre)
c) -Le champ défaillant : c’est un champ qui était « couvert par un responsable » et qui brutalement ne l’est plus, soit parce qu’il existe un conflit de pouvoir, soit parce qu’il existe une véritable dépossession de la responsabilité, un autre pouvoir qui vient se substituer de façon cachée. C’est l’exemple de la piscine….

III.2 – La Collégialité

Un groupe d’individus peut il avoir un pouvoir collégial, une décision collégiale et une responsabilité collégiale ? Si l’on se fie aux apparences, oui. L’analyse, elle, montre que non.

Prenons un exemple complexe : la Shoah. A l’origine, nous avons une décision d’un seul homme, qui détient le pouvoir. Cette décision, c’est la solution finale. Cette décision est bien celle d’un seul homme, qui ordonne. Il est donc 100% responsable parce que unique décisionnaire. Autour de cette idée, il fédère un groupe d’individus immondes à qui il délègue avec pouvoirs, la mise en œuvre complète de l’industrie de la mort. Chacun, de ce collège de barbares, est en charge de l’un des rouages de cette machine infernale. Qui du recensement, qui du transfert, qui des approvisionnements etc…
Chacun, dans cette machine infernale, a la possibilité du libre choix de faire ou ne pas faire. Dès lors, chacun prend part à la responsabilité de façon décisionnelle. Si chacun d’eux n’est pas l’executeur direct, chacun a sa part de responsabilité dans le processus.
Si le responsable initial de l’idée ne s’était pas suicidé, il aurait toujours pu plaider, lors de son procès qu’il s’était trouvé débordé par la volonté de collaborateurs trop zélés. Il n’a pas eu ce cynisme. En revanche, son staff lui a eu ce cynisme de se défendre, chacun essayant de minimiser sa participation, disant « j’étais aux ordres ». Mais les documents écrits ont permis d’établir une hiérarchie des responsabilités dans les pouvoirs et les décisions. Et les sanctions n’ont pas été uniformes. Cet exemple montre bien que si pouvoirs et responsabilités sont étroitement imbriqués, ils restent singuliers et appartiennent en propre à l’individu.

Je me suis souvent demandé ce que j’aurais fait, moi, si j’avais été l’un de ces cheminots qui conduisaient les trains vers ces camps de la mort. Et ce que j’aurais fait si j’avais été chargé d’instruire ce dossier. Si j’avais été un cheminot allemand, je pense que j’aurais choisi la désobéissance civile. Et si j’avais été en charge d’instruire ce dossier, il ne fait aucun doute que j’aurais même poursuivi ces cheminots pour complicité de crimes contre l’humanité. Parce que, quelle que soit la situation, chaque être humain a le pouvoir de faire ou ne pas faire. Mais c’est facile à dire après coup….

III.3 – La dilution de la responsabilité

La dilution de la responsabilité résulte précisément de la mauvaise analyse, voire de l’absence pure et simple d’analyse que l’on fait face à une situation en zone d’ombre.
Contrairement à l’exemple précédent, dans lequel les nations se sont donné les moyens d’une analyse fine des pouvoirs et responsabilités, il existe quantité de situations dans lesquelles cette analyse n’est pas faite, où il est plus facile de dire que c’est la faute à pas de chance, ou que nous sommes collectivement responsables.
Voilà un discours de culpabilisation que l’on entend souvent: « s’il y a encore de la misère en France, c’est de la faute de la société qui ne fait rien pour que ça change. Et de reporter l’ensemble des calamités de la vie sur la collectivité. » Encore un mensonge institutionnel !

C’est un peu trop facile ! La question n’est pas de savoir si la collectivité est responsable ou non. La question est de savoir QUI a le pouvoir de décider de faire quelque chose, QUI a un pouvoir direct sur cette misère. Et cette question mène aux différents exemples de la dernière partie de ce propos.

IV – Les dysfonctionnements de l’Etat :

Illustration de ce qui précède au travers de différents exemples…

IV.1 – Attitude face aux calamités naturelles

Cette question a déjà été évoquée dans un précédent propos, mais mérite que l’on y revienne. Le Chef de l’Etat, le Gouvernement, toute structure que vous voulez, ont-ils un pouvoir direct sur les éléments déchaînés ?
Lorsque la canicule a provoqué la mort prématurée de tant de personnes, aussitôt un cri général s’est élevé, largement relayé par les médias, pour mettre en accusation Présidence et gouvernement, de n’avoir pas pris de mesures préventives. Comment peut-on se laisser berner par un piège aussi grotesque ? Bien sûr, rendre un gouvernement responsable, lui faire un procès pour cause de négligence est très à la mode : les américains sont passés maîtres dans l’art de poursuivre en justice le clampin qui n’en peut mais… Est- ce une raison pour les suivre sur la voie de la déraison, de l’excès ?

Des calamités naturelles, il y en aura toujours, et selon toute vraisemblance, là où nous n’aurons pas envisagé qu’elles soient. Nous pouvons prendre toutes les précautions possibles et imaginables, nous ne pourrons jamais prévoir où, quand, comment, quelle calamité va s’abattre sur le pays. On attend un Tsunami dans le pacifique ? C’est dans l’océan indien qu’il arrive. On attend l’éruption d’un volcan ? Il n’arrive pas. On ne l’attend plus ? Paf, le voilà !

Un grand nombre de personnes achètent et font construire dans des zones inondables parce que c’est moins cher. Mais le jour où l’inondation arrive, c’est de la faute de la municipalité qui n’a pas fait les travaux de voirie nécessaires et suffisants. No comment! D’autres, comme moi, ont acheté en Provence. J’habite à 15 km de Lambesq, village qui a été intégralement détruit au début du XX ème siècle par un tremblement de terre. Toute la Provence ou presque est en zone sismique. Nul doute qu’il y aura pléthore de procès si un tremblement de terre se produit qui rase à nouveau une Lambesq reconstruite, ou n’importe quelle autre municipalité ! Peut-on raisonnablement rendre nos dirigeants responsables de cela ? C’est à mon sens pousser loin la mauvaise foi. En revanche…

IV.2 – Attitude face à la délinquance :

Lorsque les forces de l’ordre m’intiment l’ordre de m’arrêter pour un contrôle, je m’arrête et me soumets de bonne grâce à celui-ci. Je pense que n’importe quel citoyen normal agit ainsi. Un ami Antillais me confiait récemment : « c’est vrai qu’il ne se passe pas une semaine sans que je soies contrôlé, ça finit par être usant. » Néanmoins, et aussi exaspérant que cela puisse être, il continue à se soumettre de bonne grâce aux contrôles.
Maintenant… Descente de police le soir dans une cité. Trois jeunes prennent la fuite. L’un est rattrapé, deux autres se voient coursés, violent une clôture, entrent dans un transformateur EDF et meurent électrocutés. Devant la levée de boucliers que ce drame provoque, les policiers se voient mis en examen.

A l’analyse :
Les jeunes, au lieu de se soumettre au contrôle, prennent la fuite. Refus d’obéir à la première injonction. Ils ont bien décidé de se soustraire au contrôle. C’est leur décision et leur responsabilité. Poursuivis, sommés plusieurs fois de s’arrêter, ils continuent. Deuxième refus de l’injonction, et matérialisation du délit de fuite. C’est toujours de leur décision donc de leur responsabilité. Ils violent une clotûre. C’est une propriété privée (violation de domicile de leur responsabilité) puis entrent, dans le transformateur. Lequel comporte comme tous les transfos de France et de Navarre un panneau « Danger de mort ». Là, non obéissance à l’injonction du panneau, et paf ! C’est la mort. Toujours de leur propre volonté.
S’ils sont morts, c’est de LEUR responsabilité, il ne peut y avoir aucun doute la dessus. Ils se seraient soumis au contrôle, ils seraient toujours là. Cherchez l’erreur !

Je ne sais pas pour vous, mais pour ce qui me concerne si je vois un panneau « Ne pas passer, danger de mort », j’éviterai de passer. Il faudrait vraiment que je soies en danger de mort immédiate pour que je tente un passage. Et c’est très exactement ce que chacun s’est dit. D’où le discours « oui, mais s’ils ne se sont pas soumis au contrôle, c’est parce qu’ils ont eu peur. Vous comprenez, les méthodes policières ! ». Il n’en faut pas plus au Procureur de la République pour que « toute la lumière soit faite sur cette affaire ». Et les policiers se retrouvent en garde à vue…

Là se situe le dysfonctionnement de la Justice : La responsabilité des jeunes dans leur mort est évidente. Le Procureur pouvait parfaitement s’en tenir là, dire aux familles et associations diverses que leur responsabilité était établie qu’il n’avait pas lieu à poursuites, pour autant que l’enquête de l’Inspection Générale des Services se révèlerait négative. Lorsqu’il y a mort d’homme, il y a automatiquement enquête de l’Inspection Générale des Services. Ceux-là sont connus pour ne pas faire de cadeaux à leurs pairs lorsque bavure il y a. Et si les policiers en question n’avaient pas fait leur travail selon les règles, alors ils se seraient retrouvés, sans aucune indulgence, devant le juge sur présentation de l’I.G.S..

En revanche, si le Procureur de la République réagit de la sorte, c’est d’abord une décision politique: d’abord calmer les esprits.
Mais cette mise en garde à vue des policiers entraine des effets pervers : elle décrédibilise, une fois de plus, l’action du corps policier de façon suspicieuse, en shuntant l’enquête interne de l’I.G.S. Elle casse aussi de façon sournoise l’image de la police (mais on sait très bien que les juges n’ont jamais pu blairer les policiers) en la mettant publiquement en doute, donc en permettant au public de préjuger des résultats de l’instruction.

Mais plus grave encore : Par cette décision, le Procureur exonère de fait ces jeunes de leur propre responsabilité alors qu’ils ont sciemment, volontairement, transgressé par quatre fois l’injonction, dont deux qui n’étaient pas le fait de policiers mais d’EDF. Non content de cela, il va jusqu’à entendre EDF sur les normes de sécurité qui…. Etc… Je me demandais, s’il arrivait à « mouiller » EDF dans cette affaire, s’il aurait le culot de mettre aussi dans le bain la Centrale électrique qui approvisionnait ce transformateur, pour « abus d’apport en électricité ayant entrainé la mort sans intention de la donner ! »

Comment pourra t on faire confiance à notre Justice dans de pareilles conditions ? La Justice française passe son temps à se décrédibiliser toute seule. Même pas besoin de dire du mal d’elle : devant le nombre de victimes auxquelles elle donne tort, et de voyous auxquels elle donne raison, elle s’est détruite seule.
Voilà une Institution qui n’a plus ni crédibilité, ni confiance, ni respect. Comme nos Politiques d’ailleurs, la preuve….

IV.3 – Le scandale du sang contaminé… et le reste

Les victimes du sang contaminés attendent toujours que justice soit rendue. Comment un Ministre peut-il être « responsable mais pas coupable » ? Responsable, parce que « lorsque tout va mal » c’est lui que l’on vient voir. Mais qui avait la deuxième responsabilité cachée ? Qui, pendant plusieurs mois, alors que l’on savait ces lots impropres à l’utilisation, a décidé, ordonné de continuer à les utiliser ?
En clair, la question que posent les victimes est simple : Qui, dans ce fichu Ministère de la Santé, a pris la décision de continuer à faire utiliser ces lots ?
Parce que le lampiste qui paye en ce moment jure devant tous qu’il n’a fait qu’appliquer les directives qui lui avaient été ordonnées. Alors, qui ?
Eh bien ! Là, c’est l’Omerta. La loi du silence. La dilution totale, absolue d’une décision qui s’est perdue dans les bureaux, et dont on ne sait même pas l’origine. C’est pas beau, ça ?
Le vide sidéral, le silence Républicain…
Difficile de faire mieux en matière de refus des responsabilités. Edifiant !

Mais ce n’est pas tout. Les différents scandales des « Capitaines de l’industrie » participent aussi à la perte de confiance en notre système politique, judiciaire et économique.
En effet, s’il apparait normal qu’un homme ayant à charge un groupe industriel ou financier, dont le souci est de faire vivre par leur travail plusieurs dizaines, voir plusieurs centaines de milliers de personnes, s’il est normal dis-je que ce dirigeant soit chèrement payé et qu’il participe aux bénéfices de son groupe, il est en revanche parfaitement illogique et anormal qu’en cas de difficultés il ne participe pas à l’effort de redressement par une diminution de ses revenus et la renonciation à ses participations.

Or, mais cela semble être en parfaite adéquation avec ce que j’affirmais à propos de la solidarité des Seigneurs, dans notre système non seulement le capitaine d’industrie en état d’échec n’est pas sanctionné, mais on lui fait, de surcroît un parachute en or ! Chacun a en mémoire l’affaire Jean-Marie Messier et le groupe Vivendi. Là c’était devenu tellement gros, que l’Etat s’est trouvé dans l’obligation de réagir. Mais pour une affaire de ce type, combien d’autres ! La restauration Jacques Borel, le groupe Kiss, l’affaire du Crédit Lyonnais ; l’Eurotunnel … Longue, très longue la liste !

La Loi française exonère le dirigeant de toute responsabilité selon le statut juridique de l’entreprise. Mais les abus des prédateurs ont été tels que cela a aujourd’hui évolué, et la responsabilité du dirigeant est devenue fonction de la taille de l’entreprise et du statut du dirigeant : S’il s’agit d’un artisan, d’une Eurl ou d’une petite Sarl, là, le dirigeant a toutes chances d’être déclaré responsable pour partie du passif. Si ce passif n’est du qu’à la banque ou à des fournisseurs, ce n’est pas bien grave, il ne sera pas inquiété. En revanche, s’il doit de la TVA, des impôts, ou des charges sociales, alors ce n’est pas la même chanson. Il peut même se trouver inculpé d’abus de biens sociaux.

Mais plus la taille de l’entreprise augmente, moins le dirigeant sera mis en cause. Si, au final, l’entreprise est un groupe international, alors son Président sera reclassé aillleurs. Pour peu que celui-ci soit énarque, alors il sera vraisemblablement promu à d’autres fonctions !
C’est ce que l’on appelle l’égalité devant la Loi.

IV.4 – Attitude face au mensonge, à la mauvaise foi

Je ne referai pas la diatribe que j’ai déjà faite dans un propos précédent (in : voter ou ne pas voter aux présidentielles). Juste deux exemples d’irresponsabilité qui provoquent chez moi un coup de gueule :
Monsieur Sarkozy nous repasse une couche de son slogan « la France qui se lève tôt ». Merde!

La France se lève déjà tôt, Monsieur Sarkozy, très tôt ! Elle ne fait que cela, ne vous déplaise. Venez dire à un boulanger qui commence à quatre heures du matin, pour payer VOS taxes, VOS impôts directs et indirects, VOS charges sociales, qu’il doit travailler plus pour vous donnez une possibilité supplémentaire d’augmenter VOS taxes de toutes sortes ! Parce que la France qui se lève tôt, si VOUS prenez la peine de vous lever tôt vous-même, vous la verrez.
Vous verrez la foule des salariés qui quittent le domicile à six heures pour prendre son train de banlieue. Vous la verrez aussi celle qui est scotchée dans les encombrements parisiens de six heures du matin à 23 heures le soir. Venez sur les MIN dans la nuit, sur les aéroports aux premières heures des premiers avions. Venez visiter nos exploitations agricoles, assister à la traite des vaches ou des chèvres à 7 heures du matin. Je doute bien que vous sachiez ce que c’est, cela, Monsieur Sarkozy, de votre Neuilly douillet…
Alors cessez de nous casser les … pieds avec ce slogan de merde ! Cessez de demander aux français de travailler plus, ils sont à fond déjà ! Faire plus pour quoi ? Pour vous permettre de mettre les clopes à 1O euros ? De rajouter deux mille radars sur le territoire tous les ans ? De faire une réforme fiscale supprimant l’abattement pour frais professionnels ? Ou plus simplement de passer le litre de carburant à 2 euros ? Vous nous prenez vraiment pour des cons !

Quand à vous, Madame Royal, j’en ai autant à votre service, je vais faire bref, il est tard…. Vous voulez proposer des sanctions pour les entreprises bénéficiaires qui délocalisent ? Vous ne savez pas que cela fait quarante ans que les entreprises françaises délocalisent ? Que la délocalisation est terminée ? Et que les entreprises qui n’ont pas délocalisé ont déjà déposé le bilan ? Incroyable ça !
Mais vous parlez de quoi avec DSK ? De votre prochaine sortie au théatre? Faudrait vous réveiller ma p’tite dame ! Je doute que vos militants soient niais, anesthésiés ou cons au point d’avaler de telles absurdités !

Cesser de prendre l’électorat pour des abrutis moyens, tous autant que vous êtes ! La France gaullienne, celle des « veaux » c’est une époque révolue. Ma pauvre Ségolène, vous êtes restée bloquée dans une vision politique quarantenaire. Faudra faire mieux si vous voulez vous redresser dans les sondages…

IV.5 – La non responsabilité

Depuis cette triste affaire du sang contaminé – qui ne trouvera jamais ses coupables parce que ça fait désordre dans les livres d’histoire d’avoir un ou une La Voisin au vingtième siècle ; mieux vaut que cela reste dans les grandes énigmes de l’histoire – on ne vient plus « aux responsabilités », mais « aux affaires ». Ceci simplifie considérablement les choses. Simple question de sémantique…

Et puisqu’on en est à parler de la responsabilité et du pouvoir, vous trouverez la cerise sur le gâteau dans notre Constitution :

Art. 68. – Le Président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison.

Ce qui signifie en clair qu’en dehors de la haute trahison, il n’est responsable de rien, puisque tout ce qu’il fait, il le fait « Au Nom du Peuple Français ». Il n’a donc de comptes à rendre à personne, pas même à l’électorat.
Mais rassurons nos compatriotes : ce n’est pas du droit régalien, c’est du droit constitutionnel républicain et démocratique.

Détenir le plus haut pouvoir dans l’Etat, tout en étant irresponsable… L’absurdité élevée au rang constitutionnel… fallait oser ! Bravo Debré !

Pas belle, la vie ?

Roland d’Humières

Ps: Cet article paru sur plusieurs blogs politiques le 31 Janvier 2007 a été censuré dans les semaines qui ont suivi les Présidentielles. En réponse à cette censure, j’ai promis de le rééditer autant de fois que nécessaire, sur autant de blogs que nécessaire, à des fins pédagogiques.

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